Le sentier permanent du Parc agricole et culturel de Vernand réalisé par l’association Polyculture a été totalement ouvert en 2023 et permet de découvrir les paysages agroécologiques du site principal de la Ferme de Vernand et les installations artistiques qui le ponctuent progressivement depuis 2020. Chaque année, un ou plusieurs artistes sont choisis sur appel à projet par l’association pour créer une ou plusieurs installations dans des lieux spécifiques et emblématiques de la ferme. Certaines perdurent plusieurs années, d’autres sont prévues pour être plus brèves.
LES INSTALLATIONS ARTISTIQUES
1. CYCLE SUSPENDU, Clément Richeux, Le bois rond, 2020
« Le cycle de l’eau, des nappes phréatiques aux nuages, ne cesse d’être source d’intérêt pour l’espèce Humaine qui du canal au barrage, cherche à domestiquer l’eau à des fins nourricières, de logistique ou de production électrique… Il s’agit d’une ressource éminemment vitale devenue préoccupante de part la fréquence croissante d’épisodes de sécheresse, tendant à se généraliser et se pérenniser.
Ce lieu qu’est l’Étang Rond constituait autrefois un réservoir d’eau, avec la biodiversité qu’il implique. Aujourd’hui à sec, il devient ici le théâtre d’un système à la fois archaïque et sophistiqué, destiné à alimenter un abreuvoir pour une partie des besoins du bétail qui pâture cet espace. Un système d’irrigation emprunt d’absurdité et de complications aléatoires… Un jeu de cause à effet, dépendant du facteur météo.
Par un principe de récupération d’eau pluviale, stockée puis pompée vers un second réservoir grâce à une éolienne, ensuite libérée par la main de l’Homme pour déclencher un signal sonore et, enfin, alimenter en eau un abreuvoir au sol…
« IL VAUT MIEUX POMPER MÊME S’IL NE SE PASSE RIEN, PLUTÔT QUE DE RISQUER QU’IL SE PASSE QUELQUES DE PIRE EN NE POMPANT PAS » (Les Shadoks)
Clément Richeux, né en 1996 et originaire de la région de Rennes, est diplômé des Beaux-Arts de Nantes. Il joue de bricolages, détourne objets et matériaux pour réaliser des mécanismes à la fois rudimentaires et élaborés, des machines absurdes pour questionner notre rapport aux technologies ainsi que notre condition climatique.
Lien vers l’article publié dans la revue Openfield
Lien vers le site de Clément Richeux
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2. ÊTRE ÉTANG, Christophe Gonnet, l’étang envasé, 2021
« Concevoir une œuvre in situ c’est peut-être avant tout, faire d’un site une œuvre.
L’étang envasé du parc agricole de Vernand est un lieu hors du commun dont l’attrait, le mystère, la fragilité et la poétique de l’espace, ont été observés, préservés mis en valeur depuis déjà de nombreuses années par ses habitants.
Cet étang ne se perçoit aujourd’hui d’aucun contour précis. Il se niche au pied d’une pente boisée, se dissimule au creux de pâturages, se découvre entre les troncs de grands aulnes penchés, et disparaît parfois au milieu des orties et des bouquets de saules.
C’est dans ses épaisseurs que l’identité du site apparaît la plus sensible. Ici, le sol n’est pas plus une surface unique, qu’une limite entre le plein et le vide. Son envasement, probablement consécutif de processus multi centenaires, n’a pas complètement fait disparaître l’étang, mais a comme incarné sa mémoire dans toutes les matérialités du vivant qui l’habite.
Pour le comprendre il faut y entrer. Mais si l’intimité d’un lieu se révèle d’être traversée, c’est d’être traversée que bien souvent son intimité peut-être affectée.
L’intervention artistique que je propose ici se limite donc à la création d’un fil de passage hors sol qui emmène le visiteur au travers du site en le préservant des multiples contraintes, autant qu’elle limite le site des traces de ce passage.
L’expérience du dispositif et l’appréhension de l’espace sont avant tout individuelles, et consécutives d’une temporalité qui se doit d’être adaptée à la fragilité et à la richesse du milieu.
Ce parcours n’a pas d’autre destination que le temps de son déroulement.
En son antre, le pied perd toute certitude, le regard tout lointain, la tête toute perspective.
On ne traverse pas réellement un étang mais on chemine dans une densité humide et ombrageuse qui semble traverser librement tout étant qui s’y trouve.
Être étang n’a pas été conçue pour définir au site une forme, mais explore les modalités d’une immersion, que le lieu semblerait avoir autorisée. »
Christophe Gonnet vit et travaille à Saint-Julien-Molin-Molette. Diplômé des Beaux-Arts de Valence en 1991, il enseigne à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon depuis 2009. Depuis plus de trente ans Christophe Gonnet interroge au travers de ses installations monumentales et fragiles et de vastes œuvres in situ, la diversité des processus de dialogue entre l’homme et la nature et les protocoles de leurs temporalités. D’équilibres en effleurements, de parcours hors-sol en espaces suspendus, chacun de ses projets procède d’une écoute approfondie du milieu dans lequel il s’inscrit et d’interrogations spécifiques en direction des visiteurs qui, pour quelques instants, les habitent et en prolongent le sens.
Lien vers l’article publié dans la revue Openfield
Lien vers le site de Christophe Gonnet
humide dont il est ici un agent déterminant.
Ces éléments de clôture deviennent un outil du tracé de la marche et de mise en porosité des espaces. Il s’agit de créer une trajectoire la plus respectueuse du sol et du paysage : en suivant le relief, en choisissant et en limitant les ancrages et en orientant vers certains points d’observation. Le franchissement des noues est lui aussi traité dans un même principe d’écriture. Nous prenons inspiration pour ce faire dans le ponton zig-zag emblématique du jardin japonais.Les piquets et les pontons sont en bois brûlé. Cette technique permet de rendre le bois imputrescible et résistant à long terme. Ce traitement très présent dans l’architecture traditionnelle japonaise, connu sous le nom de Yaki-sugi, est aussi fréquemment appliqué aux clôtures agricoles en Europe. »
Jean-Sébastien Poncet et Pascaline de Glo de Besses sont designers et plasticiens, diplômés de l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Etienne. Ils ont en commun d’avoir grandis en milieu rural, conscients et curieux d’une empreinte sensible et constructive de l’agriculture sur le paysage. Cette expérience motive une approche paysagère de la création en objet et en installation.
En résonance avec une pratique d’atelier tournée vers le dehors (installation végétale, micro paysage, espace public,…), Jean-Sébastien explore la condition de designer paysan. Considérant le design comme façon de faire monde avec la terre, il s’attache
à concevoir les outils d’une intermédiation entre humains et non humains. Un intérêt particulier pour les sols et leur métabolisme l’amène à questionner leurs représentations dans une démarche de mise en perspective formelle et située.
Pascaline adopte une démarche dont la force poétique s’écrit dans l’économie des moyens en orientant toujours plus ses recherches dans l’utilisation des ressources brutes, puisées dans l’environnement immédiat du projet, pour les transformer à son service. Pour cela, elle étudie et se forme aux techniques telles que le Yakisugi lors d’une résidence au Japon, puis récemment à la technique de construction en terre crue aux Grands Ateliers de l’Isle-d’Abeau.
Leurs travaux communs marquent la convergence d’un propos poétique sur les sols et d’un ancrage pratique et expérimental sur les matériaux bio et géo-sourcés. Ils ont oeuvré ensemble sur plusieurs projets dont :
LE PARC AGRICOLE ET CULTUREL DE VERNAND, pour lequel ils ont construit une installation paysagère intitulée « le pas des noues » : la traversée d’une zone humide réalisée en bois brûlé, faisant de la marche une expérience esthétique et un parcours relationnel entre humains, troupeaux et écosystème.
Lien vers le site de Pascaline de Glo de Besses
Lien vers le site de Jean-Sébastien Poncet
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4. IMPLUVIUM, Luc Doin, Martin Delebecque, Quentin Bourguignon, 2023
Le projet prend place au bord d’un étang, un aménagement d’origine humaine dont la vocation première n’est pas précisément connue. Mais quelle que soit sa fonction initiale, l’intérêt que l’on peut y porter aujourd’hui la dépasse, et réside dans plusieurs aspects. Il constitue un milieu qui abrite une biodiversité importante et spécifique, participant ainsi à la richesse et la complexité du parc agricole et culturel au sein duquel il s’inscrit. Il s’agit d’une réserve d’eau, qui peut servir d’abreuvement en cas de besoin. Enfin, il est devenu désormais un lieu d’agrément pour les habitants.
L’installation prend la forme d’une micro-architecture qui fabrique une relation avec cet étang de plusieurs manières, pour inviter à s’interroger sur le rapport que nous entretenons avec l’eau douce, comme une ressource rare et de plus en plus fragile, et comme élément de base des écosystèmes dont nous faisons partie.
En reprenant cet archétype antique d’une toiture dirigeant l’eau pluviale en son centre, dans un bassin, l’installation met en lumière la récupération et le stockage d’eau. Cette pratique ancestrale peut servir différents usages, et occupe toujours une place centrale aujourd’hui, notamment en lien avec les territoires ruraux et agricoles. Au moyen d’un stockage temporaire de cette eau, un ralentissement est marqué dans son cycle, une étape supplémentaire est insérée dans le circuit qui se forme avec l’étang, où elle est rejetée par la suite. Le projet met ainsi en scène le rythme et le volume des précipitations, leur abondance ou leur rareté, leurs variations influant sur le niveau d’eau récupérée et retenue provisoirement.
Pour un temps de pause, ce pavillon offre un abri pour contempler l’étang et le paysage alentour, en invitant le visiteur à s’intéresser aux usages que nous avons de l’eau, sur le plan utilitaire, récréatif ou nourricier, et à la place de l’eau douce au sein d’un cycle global.
Le collectif YAM est composé de Quentin Bourguignon, Marin Delebecque et Luc Doin. Tous trois issus d’une formation en architecture, leurs parcours professionnels se sont par la suite diversifiés. Les membres du collectif œuvrent ainsi dans différents milieux : l’agriculture paysanne, la charpente, le rôle d’architecte en conception et maîtrise d’œuvre. Cette complémentarité d’approche leur permet un regard pluriel sur des thématiques qui les rassemblent : l’évolution des territoires ruraux et leurs héritages, l’auto-construction, l’artisanat, les ressources et la mise en œuvre de matières naturelles.
Leurs cheminements respectifs les ont amenés à vouloir décloisonner leurs pratiques professionnelles, en les enrichissant d’une dimension artistique, au travers de micro-architectures où ils lient conception et réalisation. Il s’agit là d’un moyen de questionner le grand public sur des thématiques auxquelles ils sont confrontés au quotidien, de porter un regard sur notre environnement, bâti ou paysager, et d’expérimenter autour de différents modes constructifs.